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Radio Voyageurs : 100% Israël et Palestine

Radio Voyageurs : 100% Israël et Palestine

Avec Marc Berrebi, auto-entrepreneur tunisien de culture arabe et juive, co-fondateur d’eDevice, co-créateur avec JR du projet Face 2 Face, Jean-Pierre Chanial, grand voyageur, écrivain, journaliste spécialiste du tourisme, Michel-Yves Labbé, président de l’application Départ Demain, et Jean-François Rial, président de Voyageurs du Monde.

 

 

Pourquoi coupler les deux ?

Valérie annonce d’entrée la couleur en insistant sur le fait qu’il s’agit bien d’une émission sur un voyage dans deux pays : l’Israël et la Palestine, particulier et propre à Voyageurs du Monde. Elle demande à Jean-François Rial d’expliquer ce choix. “Cela faisait longtemps que je voulais proposer Israël à Voyageurs du Monde, autrement que pour du tourisme religieux ou “ethnique”. Je trouvais que c’était un pays fantastique avec un contenu incroyable à proposer mais je voulais aussi proposer la Palestine en même temps pour afficher clairement une position politique qui consistait à promouvoir la paix et avoir deux Etats”.

 

Face 2 Face

Puis un jour, l’équipe communication de Voyageurs du Monde vient le voir et lui montre le travail incroyable de JR et de Marco - Marc Berrebi -, le fameux projet Face 2 Face. “C’était fin 2006-début 2007, raconte Marc Berrebi, JR avait déjà exposé des portraits de gens des banlieues pour les démystifier, faire une mise en abyme, une caricature de leur caricature. Ensemble, on a réfléchi à d’autres murs et l’idée d’aller exposer des portraits sur le mur qui sépare Israël de la Palestine s’est imposée”. Malgré les restrictions très importantes sur le passage d’un côté à l’autre, ils y vont quand même avec l’idée de coller des portraits de Palestiniens et d’Israéliens qui font le même métier - chauffeur de taxi, coiffeur, avocat, chanteur, serveur… - face à face. Marc Berrebi poursuit : “L’idée était de jouer au jeu de qui est qui, d’interpeller des gens dans la rue et de permettre à des Palestiniens d’aller côté israélien et vice versa. On a fait non seulement les deux côtés du mur mais aussi huit villes israéliennes et palestiniennes”.

Il explique ensuite que chaque ville donnait lieu à un mini traité de paix : “Est-ce qu’on peut coller quelque chose sur votre mur ? On expliquait qu’on allait coller un Israélien et un Palestinien qui font le même métier. Les réactions étaient très variées mais on rentrait dans une négociation. Au bout du compte, il n’y a eu qu’un seul problème, celui d’un garde qui s’est retrouvé “collé” devant la maison de ses beaux-parents qui lui ont trouvé l’air méchant. Du coup, le garde s’est plaint !”. Jean-François Rial était présent lors de collages et raconte “la réaction incroyablement positive des gens”.

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Onze années plus tard, Jean-Pierre Chanial s’interroge sur les images collées sur les murs : y a-t-il un renouvellement ? “La plupart sont des souvenirs, elles n’existent plus sur le mur de séparation, répond Marc Berrebi, mais certaines ont dû rester dans d’autres villes. Il n’y a pas de renouvellement, mais c’est un projet génial qui a cassé un tabou, le mur est devenu un rendez-vous de street artists”.

 

Un voyage enrichissant des deux côtés

Valérie Expert revient sur les difficultés potentielles du montage d’un tel voyage. Jean-François Rial s’explique : “Ca n’a pas été compliqué à organiser. Ce qui est fantastique, c’est de permettre aux gens de d’abord traiter Israël comme un pays normal, tout en allant du côté palestinien, de créer des ponts entre les gens qui vont des deux côtés. On a déjà envoyé plus de cinq mille clients. Je n’aurais jamais imaginé un tel succès.”

Enfant qui saute dans la mer

Joshua ChaitinPollak/Fotolia

Michel-Yves Labbé pose la question de l’aspect technique : quid des passages de frontières, des check points ? “Quand tu n’es ni Palestinien, ni Israélien, tu passes sans problèmes sauf quand il y a des moments de tension et les check points sont bloqués, quand on est israélien, on peut aller côté palestinien dans certaines zones, quand on est arabo-israélien, on peut aller partout. Du coup, on prend des chauffeurs arabes”. Et pour l’aspect voyage en famille, “c’est un voyage extraordinaire, il y a des choses à raconter aux enfants partout”, poursuit Jean-François Rial.

 

Un parti pris politique

Valérie Expert revient sur l’aspect politique. Jean-François Rial révèle sa position : “Nous, on assume de soutenir que ces deux peuples ont droit à l’existence, à un état et on affiche en tant qu’entreprise commerciale d’avoir cette position politique. Maintenant, en tant que citoyen, on peut ne pas être d’accord avec ce que fait l’Autorité Palestinienne ou l’Etat d’Israël. Mais ne pas aller voyager en Israël ou en Palestine à cause de ça est une profonde erreur”. Jean-Pierre Chanial donne aussi son point de vue : “A moins d’être un Hermite, on sait que depuis 70 ans au moins, “c’est une zone de conflit et que si on veut aller en Israël et en Palestine, on le sait, ce n’est pas la peine de se dire “il y a du danger”, il n’y a pas de danger et c’est un choix libre d’aller là où se trouve la source de nos civilisations, on a envie d’être dans ce territoire initial et peut-être bien initiatique!”.

couple qui s'enlace dans la rue

Marcus Vogel/LAIF-REA

Jean-François Rial conclut : “De plus, si on aime le voyage, comprendre les cultures et les civilisations, ne pas aller en Israël et en Palestine relève presque pour Jean-François Rial de la faute de goût”.

 

Où aller ?

Les endroits préférés de Marc Berrebi sont les lieux religieux, “ces lieux où les gens viennent de loin pour parler à Dieu, espèrent des miracles. Même d’un point de vue non religieux, c’est passionnant de voir l’Eglise de la Nativité, le Saint-Sépulcre, le Mur des Lamentations…” Du coup, Valérie Expert demande si on commence le voyage par Jérusalem. “Cela dépend des affinités personnelles, mais évidemment à Jérusalem, il y a tout, précise Jean-François Rial, toutes les religions, toutes les sensibilités, toutes les vieilles pierres. Si vous allez sur la tombe de Marie chez les Grecs Orthodoxes et que vous ne ressentez rien, alors il faut arrêter de voyager !”

Église du Saint Sépulcre - Jérusalem - Israël

Florian Jaenicke / LAIF-REA

 

Hors des sentiers battus en Palestine…

Jean-François Rial évoque les vieilles pierres de Naplouse, les dédales de petites ruelles, il parle aussi de Jéricho, la plus ancienne ville de la Terre Sainte puis de Hébron, “où on ne peut pas ne pas aller !” Michel-Yves Labbé en profite pour raconter une anecdote : “A la première Intifada, on est allé avec un collaborateur dans le Negev. On avait vu que pour aller à Jérusalem au plus vite, il fallait passer par Hébron, c’était en plein hiver, la nuit, on roulait tout seuls, étonnés. On s’est fait arrêter par une Jeep de l’armée israélienne. Ils nous ont demandé ce qu’on faisait là. Ils nous ont dit : “C’est hyper dangereux !”. Mais en fait, c’était dangereux parce qu’il neigeait et il n’y a pas d’action terroriste quand il neige !”

 

… et à Jerusalem

Jean-Pierre Chanial revient sur Jérusalem et des petits endroits comme l’Eglise Sainte-Anne, dans le quartier musulman, à côté de la Porte des Lions, “ce serait le lieu où Anne, la maman de Marie, la grand-mère de Jésus, est née”. Il explique ensuite pourquoi le drapeau français flotte sur cette église. Ce sont les Turcs qui en ont fait cadeau aux Français au XIXème siècle, sous Napoléon III pour les “remercier de les avoir aidés à mettre une petite pilée aux Russes pendant la guerre de Crimée”. Il raconte aussi pourquoi elle n’a jamais été détruite depuis 1140, d’abord parce que le bassin qui la côtoie est celui du paralytique à qui Jésus a dit : “Lève-toi et marche !”, mais aussi parce qu’elle bénéficie d’une acoustique extraordinaire, où des chorales de grande qualité se produisent presque tous les jours.

MUR DES LAMENTATIONS DE NUIT

R. A.

 

150 trucs à faire à chaque endroit

Selon Jean-François Rial, il n’y a pas d’itinéraire idéal car les distances sont petites mais à chaque endroit, il parle de “150 trucs à faire, c’est ça le problème !”. Il conseille à celui qui n’est jamais allé en Israël et en Palestine de commencer par Jérusalem et Tel Aviv, “une ville de dingues, peut-être la plus cosmopolite au monde. On s’éclate à Tel Aviv”. Puis, il mentionne de nouveau Hébron, Naplouse, Jéricho et Tibériade, Masada, Saint-Jean d’Acre si on a plus de temps. Du coup, il recommande d’aller en Israël et en Palestine plusieurs fois : “Après un premier voyage Jérusalem, Tel Aviv - des villes où il faut prendre le temps de flâner et de faire des rencontres -, Bethlehem, Ramallah, on fait un grand tour des grandes villes palestiniennes, puis on approfondit selon ses affinités”. Jean-Pierre Chanial est aussi convaincu qu’il faut y aller plusieurs fois car on peut choisir plusieurs formules, comme la randonnée, celle qu’il préfère : “On peut marcher en Palestine, on élimine les grands axes pour marcher dans les sentiers de la vraie campagne d’un petit village bédouin à l’autre”. Michel-Yves Labbé fait rire tout le monde en demandant à Jean-Pierre Chanial s’il peut aussi marcher sur l’eau… Marc Berrebi suggère aussi un voyage sur le thème de la gastronomie “car on mange très bien, en Israël comme en Palestine”.

150 trucs à faire à chaque endroit

Kfir Sivan/ISRAEL SUN-REA

Michel-Yves Labbé, lui, recommande Haïfa, son port, ses panoramas : “C’est une ville vivante, différente.” Pour Marc Berrebi, chaque ville a son endroit magique, comme par exemple le téléphérique qui mène à un superbe monastère au-dessus de Jéricho.

 

La magie du village de Sebastia

Retour à la campagne : Jean-François Rial, Marc Berrebi et Jean-Pierre Chanial sont tous emballés par le petit village de Sebastia à une quinzaine de kilomètres de Naplouse. A 400 m d’altitude, le village domine un paysage d’oliviers et “de sérénité”, précise Jean-Pierre Chanial avant d’ajouter que dans le village, “on est dans un condensé d’Israël, il y a des souvenirs de tous ceux qui sont passés par là : les Grecs, les Romains, les Byzantins, les Chevaliers de Saint-Jean, les Arabes, les Ottomans… Ils ont tous laissé des traces”. Marc Berrebi a l’excellent souvenir d’un tout petit hôtel de quatre chambres, décalé, “avec une tarte au poulet extraordinaire”. Il raconte que quand Jean-François Rial a proposé à l’hôtelier de mettre son établissement dans le catalogue de Voyageurs du Monde, il lui a demandé d’accueillir les futurs voyageurs comme s’ils étaient des membres de sa famille qu’il n’avait pas vus depuis longtemps. Et quand Marc Berrebi y est retourné deux années plus tard, c’est comme ça qu’il a été reçu ! “Vous êtes aussi tout près des Samaritains, des Juifs qui ont toujours vécu en Palestine et ont toujours été protégés par les Palestiniens qui considèrent qu’ils étaient là avant eux”, ajoute Jean-François Rial.

 

Où ne pas aller !

Jean-François Rial se permet de mettre en garde les auditeurs sur les deux endroits où ne pas aller : Eilat, qui est pour tous les invités de Valérie Expert, “épouvantable” et le désert du Negev. Il justifie : “Tout est plus beau qu’ailleurs en Israël et en Palestine et le désert du Negev est moyen et ça ne vaut pas le coup de perdre du temps dans des endroits moyens”. Il recommande plutôt d’aller se balader sur les routes de Galilée, “humer les vieilles pierres et les oliviers”.

Désert du Négev

Aminata KONTE

 

Se loger

Jean-François Rial dévoile une astuce d’hébergement : les monastères du quartier chrétien de Jérusalem, “des chambres incroyables, qui ne coûtent rien, au cœur de la spiritualité”. Marc Berrebi parle de beaux hôtels des deux côtés comme le Movenpick à Ramallah, l’Intercontinental de Bethlehem. Pour Jérusalem, Michel-Yves Labbé conseille le Waldorf Astoria et à Tel Aviv, l’incontournable hôtel Norman.

The Norman - Tel Aviv

Amit Geron/The Norman

Jean-Pierre Chanial interroge Jean-François Rial et Marc Berrebi sur la possibilité, aujourd’hui, de loger dans un kibboutz. Marc Berrebi en connaît quelques-uns qui sont sympathiques et jolis comme Narsholim près de Haifa et un autre près de Césarée mais avoue ne pas savoir s’il y en a dans toutes les régions. Il recommande plutôt le logement en maisons d’hôtes qui s’est beaucoup développé ces dernières années. Quant à Jean-François Rial, il admet que Voyageurs du Monde propose le logement en Kibboutz mais qu’en pratique, la formule ne se vend pas, que le confort “spartiate” ne correspond pas à l’esprit des clients de Voyageurs du Monde. Il trouve aussi que l’esprit des kibboutz a changé. Michel-Yves Labbé confirme et parle d’une utopie qui a vieilli.

 

Se débarrasser des idées reçues

Valérie Expert fait part de son inquiétude quant aux idées reçues d’un voyage en Palestine. “Tant qu’on est touriste, on est très bien accueilli, je n’ai jamais senti d’insécurité. Le sentiment d’insécurité, il est dans notre tête”, assure Marc Berrebi. Jean-Pierre Chanial parle de confusions à propos des Territoires Palestiniens et conseille de lire l’actualité, “évidemment, on ne va pas à Gaza”, conclut-il. D’ailleurs, Jean-François Rial précise que Voyageurs du Monde ne propose pas Gaza.

 

La carte postale de Michel-Yves Labbé : l’histoire de la Palestine en dix minutes.

C’est par une carte postale historique que Michel-Yves Labbé conclut l’émission. Il raconte en dix minutes toute l’histoire de la Palestine, des Assyriens et Cananéens à nos jours en passant par les Philistins, les Israélites, les Parthes, les Romains, les Arabes, la Secte des Assassins, les Croisées, les Mongols, les Mamelouks, les Ottomans, Napoléon… Il met, comme dans chaque carte postale, des pointes d’humour et de dérision dans cette histoire chargée de batailles en citant notamment le Roi d’Antioche, Judas Maccabée, “un nom difficile à porter de nos jours !”. Il mentionne aussi les “succulents noms des rois du nord, Jéroboam I et Jéroboam II”. En signature de sa carte postale, il s’étonne que cette Terre Sainte ou Promise ait toujours attiré les conflits, que dans ce point de rencontre des civilisations, il semble impossible de vivre en paix. Pourtant il termine par une signature invitant au voyage : “Allez-y ! Les paysages sont d’une douceur merveilleuse, la nature est bienveillante, la lumière d’une délicatesse inouïe et l’ensemble forme le plus pur des équilibres. Ne parle-t-on pas de paysage biblique ? Vous allez adorer.”

 

 

Photographie de couverture

PAULINE CHARDIN