Israël

Les traces de Face2Face

Les traces de Face2Face

Face2Face 2007 était une belle aventure consistant à coller face à face des photos géantes de Palestiniens et d’Israéliens à des endroits inévitables du côté israélien ou palestinien. Face2Face parlait d’altérité, de rires, de limites, de jeu, de beauté et d’engagement.  Le projet a continué à vivre avec le livre, les vidéos, suscitant des milliers de réactions, puis le film Faces. Diffusé sur les chaînesarabes et israéliennes, récompensé par les festivals, projeté par les étudiants arabes et juifs réunis pour l’occasion, le film a révélé que le projet était plus grand que nous, qu’il nous appartenait autant qu’à ceux qui le présentaient ou s’y exposaient.  Trois ans plus tard, nous sommes retournés sur nos pas. Pour voir ce qu’étaient devenus les collages face au temps mais surtout, pour constater l’évolution des mentalités et découvrir un peu plus la destination……!  

 

 Etape N°1

PARIS / BETHLEEM

 

16h -Arrivée à l’Aéroport Ben Gourion. Le passage de la douane n’a rien à voir avec le débarquement de JR et Marco en 2007, leurs valises pleines à craquer de colle en poudre !  Pour faciliter nos déplacements nous avons opté pour une solution stratégique : immatriculation en Israël et chauffeur arabe de Jérusalem Est. Cette combinaison nous permet de circuler à la fois en Israël (seule les plaques israéliennes, jaunes, sont acceptées) et de négocier les check points vers la Palestine.Nous franchissons notre premier check point, mais avec notre chauffeur Hatem et nos passeports européens, les vérifications prennent peu de temps. Les guides nous expliquent que la situation est bien plus détendue qu’elle ne l’était par le passé.

17h - Nous voici de l’autre coté du mur de séparation. JR et son assistant David retrouvent les lieux où ils avaient collé les portraits géants.

Ces terrains vagues, sur lesquels paissaient tranquillement les moutons, sont aujourd’hui grignotés par de grands immeubles !

20h - Le soir nous dînons de délices locaux : feuilles de vignes et courgettes farcies, côtelettes d’agneau marinées et semoule à l’eau de rose...

22h et plus - JR et sa bande retrouvent Ayman et Wisam, leurs guides sur Face2Face. Wisam est l’un des 42 guides habilités à  intervenirà la fois en Palestine et en Israël. Ayman, lui, est interdit de séjour en Israël ! En revanche, les garçons découvrent à la télévision son talent caché : il est acteur !

 

Etape N°2

BETHLEEM / HEBRON / JERICHO


Nous débutons la journée par la basilique de la Nativité. Approcher le lieu de naissance du Christ passe parfois par une longue attente parmi les pèlerins du monde entier. L’occasion de ressentir la ferveur dégagée par ce berceau des religions.

Plus tard, au camp de réfugiés de Deheishe, une actrice de Face2Face nous attend : Areej, la footballeuse. Originaire de Deheishe, la jeune femme travaille aujourd’hui pour une œuvre sociale. Loin des images de camp que nous avions en tête, Deheishe est un village aux ruelles étroites avec ses commerces, sa mosquée, son école. En 60 ans, l’aspect du camp a bien évolué. Seul vestige d’origine encore visible, le tourniquet d’entrée. 

12h30 - Université de Bethléem. Nous sommes reçus par « Brother » Robert, américain installé ici depuis des années, vice président des affaires académiques. Ce magnifique bâtiment du 18ème siècle., abrite un véritable campus qui accueille 1/3 de chrétiens et 2/3 de musulmans. Par ailleurs, 1/3 de la population étudiante est féminine. Derrière les voiles, se distinguent de jolis regards maquillés. La visite se termine au réfectoire, par un déjeuner préparé par les étudiants en hôtellerie.

14h30 - Colonie juive de Kfar Etzion. Echange avec une habitante qui nous raconte l’arrivée ici de ses grands-parents. Leur rêve : une confédération à l’image de la Suisse.

16h - Nous entrons dans Hébron par le quartier juif. Pour la première fois, la fracture entre les deux communautés se fait ressentir. Construit sur une colline et imbriquée dans la cité, la ville juive surplombe la ville arabe, déversant sur ses voisins du dessous toutes formes de détritus. Moins scabreuse, la séparation est également flagrante dans le tombeau des Patriarchesd’Abraham, divisé en deux par une vitre blindée !

 

 

Interview

AREEJ


Ancienne footballeuse de haut niveau, Areej a participé à Face2Face en 2007. La jeune Palestinienne vit dans le camp de réfugiés de Deheise et dirige un programme d'échanges culturels.

 

Depuis notre passage en 2007 qu'est ce qui a changé dans le camp ?

Un point positif : les camps de réfugiés sont de moins en moins isolés. Deheise a toujours bénéficié de la solidarité internationale notamment pour ses jeunes habitants. C'est un camp tourné vers l'activisme et j'ai hâte de voir de plus en plus de gens s'impliquer pour changer les choses.


Il y a 3 ans nous assistions à ton combat par le sport pour attirer la lumière sur le camp. Ce combat se poursuit-il ?

Tout à fait. Je ne suis plus très active en tant qu'athlète mais le sport reste un outil important. Beaucoup d'autres jeunes femmes s'expriment par le sport. Je suis fière d'avoir ouvert une voie. Aujourd'hui j’ai créé un programme international d'échanges culturels. Les jeunes peuvent venir ici et voir ce qu'est la réalité.

 

 

Etape N°3

JERICHO / WADI QELT / RAMALLAH 


Pour beaucoup d’archéologues, Jéricho est la plus ancienne cité du monde, fondée 9000 ans avant J-C. Alors que grimpe la chaleur, nous décidons de prendre de l’altitude grâce au téléphérique du mont de la Tentation. Sensation surréaliste de se retrouver dans une station alpine ! Au sommet, un magnifique panorama sur la ville, la mer Morte, la vallée du Jourdain et même les monts de Moab en Jordanie !
Puis direction Wadi Qelt. Perdu au fond d’un ancien lit de rivière verdoyant, à deux heures de marche, le monastère Saint-Georges est perché à flancde vallée. Les frères nous reçoivent chaleureusement, tous parlent anglais. Parmi eux, un ancien biker américain !


13h - Al Qods University- Rencontre avec le bras droit de Sari Nusseibeh, connu pour ses positions controversées en faveur de la paix. Avec l’Israélien Ami Ayalon, Nusseibeh est à l’origine d’une déclaration fondée sur le principe « deux peuples, deux états ». 

15h - Une tragique nouvelle bouscule le programme. CheikhAziz, l’un des personnages centraux de Face2Face, vient de s’éteindre. Nous mettons cap sur Jérusalem pour assister à ses funérailles. Le moment est douloureux pour l’équipe qui s’était liée d’amitié avec ce personnage haut en couleurs. D’une grande ouverture d’esprit, le Cheikhs’était prêté au jeu de grimaces, aux côtés du prêtre Brother Jack et  de Reb Eliyahu. Le résultat donnant vie à un triptyque symbolique. L’accueil que nous réserve la famille du défunt est, fantastiquemodifs La venue de reb Eliyahu, considéré comme un frère par la famille du cheikh, donne lieu à une après-midi émouvante de recueillement sur les toits de Jérusalem.


Nous regagnons Ramallah et prenons nos quartiers au Royal Court Suites, point de chute névralgique de toutes les ONG. L’importante population des ONG s’installe ici généralement pour plusieurs mois. La ville présente ainsi un caractère très international et l’anglais y est couramment parlé. Ramallah est une ville branchée ! «  La Tel-Aviv de Palestine » disent certains. Outre les expatriés, l’activité humanitaire attire une population locale, jeune et dynamique. Les rues sont animées par une multitude de bars. Nous entrons au Beit Anisa pour découvrir un jardin, des murs aux couleurs vives, des sofas en velours et une expo d’art. 

 

REB ELIYAHU 

Avec le prêtre Brother Jack et l’imam Cheikh Aziz, le rabbin Reb Eliyahu est l’une des têtes d’affiche de Face2Face. Il rend hommage au Cheikh à l’annonce de sa disparition. 


Aujourd'hui est un jour particulier ?

Ce n'est pas un jour facile, mais c'est un jour de grande bénédiction, car aujourd'hui nous avons un allié, un ami, au Ciel. Cheikh Abdul Aziz est ma moitié, mon autre visage, mon autre aile. Il faut deux ailes pour pouvoir voler et nous avons volé ensemble, au-dessus de la planète. Maintenant nous avons un allié, un pacificateur, qui négocie avec Dieu pour nous aider dans notre travail, ici sur terre. Tous ceux qui ont passé du temps avec le Cheikh ont pu boire l'enseignement d'un grand esprit et d'un grand homme. Tout comme pour Gandhi, Martin Luther King Jr, Nelson Mandela, tous ces excellents professeurs spirituels, qui ont quitté ce monde, leur message a eu un impact bien plus important après qu'ils aient quitté leur forme physique. Tanya Bukhari, la fille du Cheikh, continue le travail de son père. Elle représente la prochaine génération, elle a 10 ans, elle est née dans ce millénaire et elle sera notre prochain leader.

 

Etape N°4

RAMALLAH / NAPLOUSE


Nous quittons Ramallah par une route aux paysages bibliques, bordée d’oliviers et de cyprès .Nousrejoignons Taybeh, village chrétien dont l’église Saint-Georges figure au programme des pèlerinages. Autre curiosité, une micro-brasserie créée par une famille revenue des USA pour participer au développement de la Palestine après les accords d’Oslo, en 1995. Malgré la déconvenue, la famille Khoury n’a pas stoppé sa production et l’unique bière palestinienne s’exporte aujourd’hui au Japon et en Allemagne ! 


Arrivée au village palestinien de Sebastya, situé en bordure de zone A et C. La zone A correspondant aux secteurs palestiniens, C aux secteurs israéliens et B aux zones mixtes. Ce village de Samarie compte environ 3000 âmes qui vivent essentiellement de l’agriculture. Dans les années 70, ses ruines antiques et sa cathédrale croisée, abritant la tombe de Saint Jean-Baptiste, attiraient les touristes. Sebastya comptait de multiples boutiques de souvenirs, des restaurants et des sentiers balisés. Aujourd’hui, l’endroit est à l’abandon car depuis la seconde Intifada, le site antique se trouve sous contrôle israélien. Or, les Israéliens s’aventurant peu en zone palestinienne, la nature a repris ses droits. Dépourvues de tout entretien, les routes menant au site sont devenues impraticables pour les autocars de tourisme. Les maisons byzantines et les paysages bucoliques alentours font de Sebastya une halte charmante.

Nous faisons une pausepour déjeuner dans une ravissantemaison d’hôtes posée de manière insolite dans la partie haute d’une ancienne église. La découverte de spécialités culinaires locales achèvera de ravir nos sens. Pour certains, il faut goûter le Mousakhan, un plat palestinien de poulet sur un lit d'oignons confits aux pignons de pin et au sumac, servi sur un pain traditionnel sans levain appelé Taboul. Pour d'autres, il ne faut pas faire l'impasse sur le Zarb d'agneau, caractérisé par une technique de cuisson à l'étouffée qui rend la viande si savoureuse. La spécialité sucrée, c'est le Knafé, un doux fromage de brebis à la texture fondante, agrémenté d'une fine couche de semoule recouverte d'un sirop de sucre. Les habitants de Sebastya n'ont pas oublié leurs savoir-faire et la tradition d'accueil reste on ne peut plus vivace malgré l'absence prolongée des visiteurs. Mont Gezrim : nous avons rendez-vous avec le grand prêtre des Samaritains (il parle l’hébreu, l’arabe, l’araméen, et le grec) qui nous éclaire sur les origines et la position actuelle des Samaritains par rapport aux Juifs.Naplouse : nous partons à la découverte de la casbah, de ses belles maisons, des échoppes improbables aux vieux métiers. Certains en profitent pour se faire raser les cheveux ou tailler la barbe, d’autres préfèrent les pistaches syriennes et pâtisseries orientales. Nous effectuons une halte pour prendre un thé et jouer au Backgammon. L’intégration bat son plein ! 


MR. KHOURY 

Depuis 1995, la famille Khoury est à la tête de l’unique brasserie Palestinienne à Taybeh. Leur bière s’exporte notamment au Japon et Allemagne.


Pourquoi votre famille est-elle revenue en Palestine ?

Nous sommes rentrés en Palestine en 1994, après les accords d'Oslo. Nous croyions en la paix, et nous voulions investir en Palestine, vivre en démocratie dans notre propre pays.


Votre bière se vend des deux côtés du mur. Pensez-vous que c'est un atout?

Peu de produits se vendent à la fois en Israël et en Palestine. La bière Taybeh est la preuve que nous  pouvons nous entendre pour travailler ensemble et que nous Palestiniens, pouvons fabriquer des produits de qualité supérieure.

 

Etape N°5

NAPLOUSE / JERUSALEM

 

Jérusalem. Après une visite de l’American Colony, hôtel emblématique de Jérusalem, nous découvrons le Museumon the Seam consacré à la coexistence.Nous posons nos valises au Knight’s Palace, petite adresse du quartier chrétien de la vieille ville, puis nous rendons visite à l’artiste Michal Rovner aux étonnantes installations de chorégraphies filmées.

Ensuite, nous nous perdons sous les murailles de la vieille ville, à travers des ruelles sinueuses débordantes d’échoppes. Nous nous laissons guider par le va-et-vient des enfantspoussant des carioles colorées d’épices, à destination du marché alimentaire.

Le spectacle des grappes de pèlerins venus du monde entier est étonnant. Les Ethiopiens drapés de voiles blancs se démarquent des pélerins asiatiques et des Européens coiffés de chapeaux de couleurs, qui entonnent des chants religieux à la suite d’un prêtre. Une dernière incursion dans la vieille ville nous permet de découvrir l’étonnant Saint-Sépulcre en arrivant par le monastère Ethiopien. Enfin, nous passons à l’extérieur des remparts, pour rejoindre la ville moderne (qui n’a de moderne que le nom) et découvrir les quartiers orthodoxes, éthiopiens, russes, puis les anciennes colonies allemandes et américaines.

 

 

Etape N°6

JERUSALEM-HAÏFA-TEL AVIV


Nous faisons halte à l’Austrian Hospice via Dolorosa, où nous nous régalons de pâtisseries maison.  Nous rencontrons le photographe Frédéric Brenner, auteur du projet Diaspora. Avec quinze aures grands photographes du monde entier, il travaille sur un nouveau projet photographique qui couvre toute la région. Il est rejoint par Gilles Darmon, fondateur de l’ONG Latet (Donner) : « Voyager, ça permet de se remettre en question grâce à la confrontation avec les autres. Ici, c’est un l’endroit idéal pour ça ». 10 km plus tard, arrivée à Abu Gosh, village palestinien situé en Israël, connu pour sa position de neutralité. Au monastère Bénédictin qui compte 9 moines et 12 sœurs, Frère Olivier, un normand chargé de former les militaires juifs à la compréhension chrétienne, nous explique sa démarche. En fin d’entretien, nous dégustons le fameux houmous d’Abu Gosh, réputé dans tout le Proche-Orient. Arrêt à NeveShalom (0asis de paix) village qui rassemble des familles arabes et juives et dont l’activité tourne uniquement autour du travail pour la paix entre les deux peuples. Haïfa, ville israélienne abritant une importante communauté d’Arabes-israéliens, réputée pour son port et son industrie, est considérée aujourd’hui comme la Silicon Valley locale ! Napoléon ne s’était pas trompé sur le potentiel d’Haïfa. Montée au mont Carmel et visite du temple Baha’i  lieu sacré et centre de ralliement mondial cette communauté qui croit enla communion de toutes les religions. Nous flânons dans le joli quartier de la « German colony » et découvrons le soir Haïfa « la branchée » aux terrasses emplies d’une population jeune et mixte dans une ambiance animée très occidentale.

Dernière étape de notre périple : Tel-Aviv. Rencontre avec Gabriel Malka, directeur de l’école de tourisme d’Haïfa et spécialiste des relations entre les différentes communautés  arabe, juives sépharade et ashkénaze et. Son credo : le tourisme comme industrie de la paix.Ami Bouganim se joint à nous. Il se définit comme « juif d’origine, musulman de culture et bouddhiste de philosophie.». Il invoque des programmes au contenu pluri universaliste, cosmo-religieux et multi spirituel. La discussion s’envole vers de hautes sphères philosophiques.

14h - Promenade sur le front de mer. Nous croisons des jeunes femmes en roller, et découvrons des « espaces fitness » à ciel ouvert. Cette ville a décidément des airs de Californie ! Visite de Jaffa, ancienne ville arabe et aussi un port historique, fusionnée avec Tel-Aviv en 1950. Cette position nous donne une autre vision de Tel Aviv. Les maisons anciennes contrastent avec les constructions modernes conduites par de grands architectes internationaux. Nous découvrons avec étonnement le marché aux puces et ses meubles scandinaves.

Nous regagnons Hertzilia, quartier de Tel-Aviv considéré comme le « Miami sans Miami ». Nous visitons l’une de ses villas extravagantes, résidence secondaire appartenant à un membre de la diaspora juive installé en France. Nous concluons ce séjour étonnant ici, heureux et définitivement persuadés qu’il faut miser sur l’avenir touristique de la région.

 

« Voyager, ça permet de se remettre en question grâce à la confrontation avec les autres. Ici, c’est un l’endroit idéal pour ça »

 

FOUAD KATTAN 

Arabe palestinien et chrétien catholique  ce Président de l’université de Bethléem, né en Inde, croit au tourisme comme outil de paix.

 

Quelle est votre position  sur l’avenir de la région?

Je suis optimiste et c'est pour cette raison que tous mes enfants, après avoir fait leurs études en France, sont revenus ici.


Quelle est leur vision ?

Ils veulent la paix. La jeunesse est la base d’une paix future. Ils sont, je pense, d'accord avec moi, pour dire que nous devons rester ici et travailler ensemble des deux côtés, pour enrichir cette vision de paix.

 

Pensez que ce serait intéressant pour un Français de venir sur place ?

Nous avons beaucoup à offrir à nos visiteurs. Histoire, archéologie et bien sûr  religion. Notre pays propose de découvrir tout cela, sans problème, ni danger.

 

Quelle peut être la force de ce projet face à unconflit politique très sérieux avec un réel impact mondial ?

Construire des ponts pour la paix. C'est l'essentiel. Si on comprend la situation, on peut construire ces ponts pour la paix entre les deux peuples.