Israël

Banksy, chambre avec vue

Banksy, chambre avec vue

On a adoré la première incursion de Banksy dans le domaine du tourisme : Dismaland, parc d’attractions déjanté, à Weston-Upon-Mare, dans la banlieue de Bristol. Il y mettait en scène les désordres de nos sociétés modernes, des crises environnementales aux crises migratoires : on y découvrait le château en ruine d’une Cendrillon au destin de Lady Di, carrosse renversé et foule de paparazzis, ou une pêche aux canards façon marée noire, avec ses volatiles gluants de mazout.

Banksy réitère avec l’ouverture d’un hôtel à Bethléem, à quelques mètres du mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie. Ce n’est pas la première intervention de l’artiste de ce côté du Proche-Orient, loin de là. Depuis 2005, il peint le mur de ses graff qui sont autant d’appels à la paix. En 2015, on se souvient du chaton de Gaza, caractéristique de l’humour noir qui est sa marque de fabrique : « je voulais mettre en lumière la destruction de Gaza en publiant des photos sur mon site. Mais sur Internet, les gens ne regardent que les images de chatons ». Cette fois, il s’installe. Quatre types de chambres, les « Artist » (avec des œuvres emblématiques du travail de Banksy –  comme une bataille de polochons entre un soldat israélien et un manifestant palestinien), les « Scenic » (avec la meilleure vue sur le mur), les « Budget » (des dortoirs équipés avec les surplus de baraquement de l’armée israélienne), et une suite présidentielle. Une galerie consacrée à l’exposition d’artistes émergents, un espace d’exposition pour des collections permanentes d’œuvres d’artistes palestiniens. Un piano-bar à la décoration coloniale, en souvenir de l’occupation britannique de la Palestine – dont Banksy commémore le centenaire à sa manière, avec l’ouverture de cet hôtel. Et des musiciens invités, Trent Reznor ou 3D de Massive Attack. De quoi attirer les visiteurs : le Walled Off Hotel affiche complet pour les trois prochains mois.

Sur son site, Banksy répond  par avance aux questions : Est-ce que c’est une blague ? Non, ce n’est pas une blague, il s’agit d’un véritable hôtel avec de véritables chambres. Est-ce que l’on fait de l’argent sur la misère ?  Banksy ne « prendra pas un centime », mais reversera les bénéfices à des projets de développement local. Et ajoute que l’on peut en toute sécurité visiter Bethléem « un lieu de première importance religieusement et politiquement – où les falafel sont excellents », et loger au Walled Off Hotel. Entre art et politique, Banksy invite à venir découvrir de près la réalité du conflit israélo-palestinien, à s’informer sur la situation « des deux côtés du mur ».

Un engagement qui est aussi le nôtre, en lien avec un autre grand du street art, JR, avec qui nous avons imaginé nos voyages en Israël et Palestine, sur les traces de son projet Face2Face – monumentaux portraits d’Israéliens et de Palestiniens collés des deux côtés du mur. Avec cette même ambition d’amener les voyageurs à dialoguer avec Israéliens et Palestiniens.