L’Espagne de Pedro Almodóvar - Le Mag Voyageurs du Monde

Espagne

L’Espagne de Pedro Almodóvar

Publié 18 nov. 2025

Écrit par MARION OSMONT

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L’Espagne de Almodóvar est celle des nuits madrilènes flamboyantes, de la transgression joyeuse et des identités multiples. Depuis quarante ans, le cinéaste raconte son pays en explorant les douleurs et les désirs, les amours contrariées et les métamorphoses intimes. Le plus célèbre des cinéastes espagnols a puisé dans la culture populaire – les mélodrames mexicains, la télévision, les affiches de corridas – mais aussi dans la peinture espagnole, de Velázquez à Miró. Ses films dessinent une Espagne sensuelle, baroque, saturée de couleurs et d’émotions. Ils accompagnent la métamorphose d’une nation sortie des heures sombres du franquisme, hantée par le passé mais avide de liberté. De Madrid à la Castille, Almodóvar trace une géographie du cœur, une cartographie des corps et des âmes. En liant l’intime au politique, il a donné à l’Espagne contemporaine son portrait le plus juste.

Madrid, capitale du désir

Tout commence à Madrid dans la fièvre de la Movida des années 1980, laboratoire d’un pays qui s’émancipe de la censure. Les travestis, les punks, les ménagères libérées peuplent les premiers films d’Almodóvar. Dans Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier (1980), son premier long métrage, il capte l’énergie brute d’une Espagne qui se réinvente, ivre de liberté sexuelle et de provocation joyeuse. Dans Femmes au bord de la crise de nerfs (1988), la capitale vibre au rythme du chaos sentimental. Derrière les rideaux de velours, les téléphones rouges et les taxis fous, Almodóvar filme une Espagne urbaine et nerveuse, suspendue entre mélancolie et explosion. Ses héroïnes – Carmen Maura, Victoria Abril – sont des figures de résistance, entre vulnérabilité et énergie dévastatrice. Elles pleurent, elles crient, elles rient, passionnément. Dans ces premiers films, Madrid est une scène à ciel ouvert, bruyante, colorée, sensuelle. Les intérieurs saturés de rouge, de jaune et de bleu traduisent la vie à fleur de peau, les émotions sans filtre. Almodóvar y célèbre la fluidité des genres, la pluralité des amours, la vérité des pulsions. Dans un pays longtemps corseté par la morale catholique, ce regard libre est en soi une révolution. Il fait de l’érotisme une forme de liberté, et du mélodrame une façon d’affronter la vie. Mais la comédie des débuts se teinte bientôt d’émotion. Dans les années 1990, le ton change. L’Espagne a évolué, le réalisateur a muri. Le burlesque laisse place à l’émotion nue. Talons aiguilles (1991) et La fleur de mon secret (1995) ouvrent une période plus grave, marquée par la solitude et la quête d’identité. Dans La fleur de mon secret, Madrid n’est plus une fête, mais un espace intérieur, gris et mélancolique, reflet d’une femme en crise.

Ben Roberts/PANOS-REA

Barcelone, ville des renaissances

Avec Tout sur ma mère (1999), Almodóvar fait un pas de côté pour filmer Barcelone. Le pitch : Manuela vit à Madrid avec son fils Esteban. Le soir de ses 18 ans, alors qu’elle s’apprête à lui parler enfin du père qu’il n’a pas connu, il meurt, renversé par une voiture. Anéantie, Manuela retourne à Barcelone qu'elle avait quitté dix-huit ans plus tôt, lorsqu’elle était enceinte. 

Almodóvar regarde la ville comme un lieu de refuge et de métamorphose. Sa Barcelone nocturne et cosmopolite abrite la tendresse des marginaux : prostituées, transgenres, mères endeuillées. Le réalisateur y filme plusieurs lieux emblématiques : les ramblas, cœur vivant et chaotique de la ville ; la Plaça Reial, bordée d’arcades et de palmiers, où les personnages se croisent dans la nuit ; le quartier de l’Eixample, aux appartements lumineux typiques de la bourgeoisie catalane, contrastant avec la rue et la marginalité ; ou encore le théâtre du Lliure, à Montjuïc, où se joue Un tramway nommé désir, pièce miroir du film. La mer n’est jamais loin, promesse d’un apaisement possible. À travers ces lieux, le cinéaste fait de la ville un espace de deuil et de renaissance, loin des clichés touristiques.

Photo12/7e Art/El Deseo

Castille-La Mancha, le territoire d’enfance

Dans les années 2000, Almodóvar s’éloigne de la frénésie urbaine pour revenir vers la terre de son enfance, en Castille-La Mancha. Ce retour marque une inflexion profonde : le cinéaste se tourne vers les racines, les fantômes et la mémoire. Dans Volver (2006) – en castillan, volver signifie « revenir » –, le décor est celui d’un village castillan écrasé de soleil. Les femmes y règnent, seules, entre les secrets, la mort et les odeurs de cuisine. Penélope Cruz y incarne une beauté populaire, sensuelle et tragique, héritière d’un monde ancien qui survit dans la modernité. La Castille est un personnage à part entière, rude, silencieuse, traversée de traditions et de superstitions. C’est là qu’Almodóvar filme la transmission féminine, la solidarité, le pardon. Dans ces paysages de vent et de poussière, les morts parlent encore à travers les vivants, les mères veillent sur leurs filles, le passé s’obstine à vivre. La Castille, c’est l’Espagne des origines, celle des gestes simples et des racines enfouies. Pour le cinéaste, c’est aussi le territoire du cinéma intime, celui de l’enfance, de la mère, de la première lumière. Il y revient avec Douleur et gloire (2019), grand film d’introspection. Antonio Banderas y joue un réalisateur vieillissant, alter ego du cinéaste, qui se souvient de sa jeunesse dans un village de Castille-La Mancha. Entre les maisons blanches et les collines brûlées, le film chemine entre passé et présent. Dans ces paysages dépouillés, Almodóvar retrouve la vérité des origines : celle d’un enfant fasciné par la lumière, le cinéma et la puissance des femmes.

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