Pérou

Pérou, mystère au sommet

Pérou, mystère au sommet

Si tous les chemins du Pérou mènent au Machu Picchu, le pays est en pleine effervescence. Il aborde, fier de ses racines, la plus vibrante modernité… Via Lima et le lac Titicaca, il s’ouvre au monde pour mieux livrer ses secrets, des plus anciens aux plus contemporains.

 

L’aube se profile à peine entre les pics couronnés de neige. C’est d’abord une lueur mauve, presque cotonneuse, qui s’étend entre les montagnes. Un calme absolu règne sur Machu Picchu. Un silence particulier tremble sur les pierres, les terrasses, les vestiges. Un silence vivant dont je devine déjà qu’il va s’incarner peu à peu. Mais pour l’heure, aux portes claires de l’aurore, aucun bruit ne vient troubler l’atmosphère. Je me penche aux parapets et je vois serpenter le torrent dans la vallée encaissée, entre Aguas Calientes et la forêt. Plus haut, ce sont les traits sinueux du Camino del Inca qui dessinent un sillage de poussière ocre. La dernière trace laissée par un peuple qui s’est éteint sans rien abandonner, ou presque, de sa gloire passée. Des masques et des parures, des bijoux, et puis cet endroit, sublime et muet. Machu Picchu.

lama au Machu Picchu

Thibaud Perdrix

Les premiers rayons du soleil percent entre deux pics. Je me tourne vers l’astre qui monte à l’horizon, le visage levé, rempli d’une extrême gratitude, d’un intense sentiment de paix. La sensation de se retrouver, par-delà les siècles, à l’unisson des Incas qui vivaient là. Se retrouver à la fois au début et à la fin d’un voyage. Reprendre son souffle, et déjà se souvenir. Les images défilent…

…Son nom résonne comme un rêve ancien. Il garde l’image d’un talisman d’eaux nacrées. Le silence règne, à peine ridé par le murmure des esquifs de pêcheurs. Sur les berges, des femmes en vêtements traditionnels, en chapeau. Visages impénétrables, immémoriels. Et cette lumière, d’une pureté inouïe. L’impression de se placer hors du temps. Au cœur du voyage. Rester-là, longtemps, dans la contemplation. Eprouver vraiment pourquoi les Incas considéraient le lac comme berceau de leur civilisation. Je gagne sur l’un de ces bateaux de paille et de roseau l’île de Taquile. Les habitants y reçoivent afin, le temps d’une journée, de partager leur vie quotidienne. Echanges profonds, silencieux la plupart du temps. A la lueur des flammes, j’assiste à une cha’lla, une bénédiction rituelle en l’honneur des divinités. Un jeune pêcheur se confie dans un castillan hésitant : « nous voulons garder comme toujours, les vies d’avant… ». Même après avoir quitté les rives du lac, les images demeurent, elles flottent en moi, ne m’abandonneront jamais. Titicaca. Ce refuge existe.

“ Si Machu Picchu est si émouvant, c’est parce que le site a gardé toute sa magie. ”

Soudain, un immense papillon jaillit, dont les ailes brulent d’un éclat intense. Si Machu Picchu est si émouvant, c’est parce que le site a gardé toute sa magie. Les Incas ne possédaient pas l’écriture,  ils n’ont pas laissé un signe. Rien d’autre que des terrasses, les maisons aux murs parfaits, des salles vides, des pierres taillées qui évoquent peut-être la silhouette d’un condor. Face à nos sociétés publicitaires, où tous les secrets, tous les désirs, toutes les douleurs se doivent d’être affichés, Machu Picchu oppose l’assomption dans le mystère.

Je pénètre le site par la zone agraire. Les terrasses destinées aux cultures s’alignent, creusées dans le flanc de la montagne. Un immense escalier de pierre mène à la partie supérieure. Une première maison rectangulaire. Quelques lamas paissent là. A deux pas, une roche aux marches sculptées. La roche funéraire. C’est près d’elle que furent mises au jour des momies. Les Acclas (les vierges du soleil) et leur progéniture, dont le rôle nous échappe encore ?

Femme qui marche dans la rue

Thomas linkel/LAIF-REA 

Je songe à ce long voyage depuis Lima, les quartiers si vivants de Miraflorès, de Baranco, ses ateliers d’artistes, ses galeries d’art contemporain, ses spots de surf sur le Pacifique,  en passant par le canon de Colca plus profond que le grand Canyon, et la blanche Arequipa, capitale de la cordillère occidentale, posée au pied du volcan Misti, et jusqu’à El Cuzco…

Ce nom-ci claque comme celui d’une légende. Il évoque le berceau d’un monde si mystérieux. Une incitation à rester vivant, attentif, curieux de chaque chose. El Cuzco. A 3 400 mètres d’altitude, la ville surplombe aussi le monde  par son incroyable richesse. Vestiges mayas et églises baroques, indiens sous leurs ponchos de laine, leur chapeau de feutre leurs regards brûlants… Eux se souviennent encore. Ils savent d’instinct que leur ville est bâtie sur les fondations de la cité inca, la capitale éternelle du Tahuantinsuyu… Je pose la main sur les murs anciens du vieux Cuzco. Cette émotion devant les pierres scellées, encastrées, cette merveille d’équilibre et de force et de puissance mêlées. Bien sûr, il y a l’art baroque, la beauté des églises… Mais ce qui retient, ce sont les vestiges, leur écho à travers le temps… Une civilisation éteinte et que l’on sent cependant affleurer à chaque instant. L’esprit de l’Inca est là. J’emprunte son chemin…

Région de Cuzco

iStock/Getty Images Plus

C’est une petite barrière de bambous, à la toute extrémité du site. Passer la barrière et commencer l’ascension de Huyana Picchu. Un chemin, escarpé, monte lentement. Parfois, je trouve à flanc de coteaux de petites marches taillées dans la pierre. Je gravis une sorte d’escalier totalement vertical. Doux parfums d’aventure qui se mêlent à ceux, plus lourds, de la forêt tropicale. Elle bruisse de mille rumeurs. Trilles d’oiseaux étranges, mouvements furtifs dans les branches, une volée de passereaux multicolores. Puis un dernier passage sous un tunnel végétal avant d’émerger (au sommet de Huyana Picchu. Je reprends mon souffle avant de regarder, puis me laisse aller au vertige, comme aspiré par le paysage, le site tout entier. Le mausolée, les 16 fontaines, les gradins en corolles, le palais sacerdotal, le Grand temple aux 7 niches… Est-ce là que la dynastie de Manco Incca (1536-1572) s’installa après que sa tentative de repousser les conquistadores fut repoussée ? Ou bien Machu Picchu n’était-il qu’un poste avancé, une forteresse dressée sur la montagne ?

Soudain, trois condors s’élèvent ensemble. Ils semblent surgir du vide, profitant des courants d’air chaud qui les portent vers le soleil. Cette impression, qu’ils sont là de toute éternité, qu’ils gardent Machu Picchu. Qu’ils savent tout. Et se souviennent.

 

LES BONNES RAISONS D’AIMER LE PEROU

  • Assister à la métamorphose d’un pays qui se tourne vers l’avenir,
  • voir un pays rester tout autant fidèle à ses traditions et à son histoire,
  • emprunter à Machu Picchu la Porte Principale alignée sur le Chemins des Incas,
  • méditer longtemps sur les rives du lac Titicaca,
  • se balader sue les eaux du lac à bord d’une embarcation de « totora »…
  • Admirer les paysages uniques du Canon de Colca,
  • savourer la cuisine de Gaston Acurio, apporter vêtements tissés de vigogne et d’alpaga,
  • contempler dans un ciel pur le vol sublime des condors,
  • s’extasier sur l’extraordinaire beauté des paysages de l’Altiplano à plus de 4 000 mètres d’altitude,
  • dire c’est le Pérou ! Vous en rêvez depuis toujours…

 

Par

Stéphane Guibourgé