Russie

Moscou vs Saint-Pétersbourg : le match en 10 rounds

Moscou vs Saint-Pétersbourg : le match en 10 rounds

Moscou a le temps comme argument. On situe en effet la construction du Kremlin (le mot signifie « forteresse ») aux environs de 1156. Mais Saint-Pétersbourg, créée ex-nihilo (ou presque) en 1703 par Pierre-le-Grand, fait valoir sa gloire impériale et brille encore de mille feux. Moscou se veut capitale active, branchée, moteur de la Russie de demain. Les deux se jaugent à distance (714 kilomètres par la route) valorisant chacune deux arguments, gardienne de mémoire et passeur d’avenir. Esprit russe, où es-tu ? Ici autant que là-bas. Quel sera votre choix : visiter Moscou ou Saint-Pétersbourg ?

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Quand on arrive en ville

Moscou (12,3 millions d’habitants) comme Saint-Pétersbourg (5,5 millions d’habitants) sont reliées plusieurs fois par jour à Paris par des vols directs signées Air France ou Aeroflot. Pour Moscou, compter 3h30 et entre 300 et 500 euros l’AR en classe économique, selon les dates. Il existe de nombreux autres vols avec escale. Par ailleurs, il est possible de rejoindre la capitale russe en train, soit depuis Paris (37h30) plusieurs fois par semaine pour 200 à 400 euros l’aller simple, soit au départ de Nice en 47 heures, liaison hebdomadaire et voitures chics pour 4 00 euros à plus de 1 000 euros en fonction du standing de sa cabine ou du confort de son fauteuil. Enfin, la voiture, autour de 3 000 kilomètres au volant, offre une dernière possibilité. Avec l’avion, arrivée à l’aéroport Cheremetievo à 35 minutes du centre-ville qu’on rejoint en taxi moyennant une cinquantaine d’euros (une heure) ou en train rapide (35 minutes) pour 10 euros.

Les mêmes compagnies régulières desservent en direct Saint-Pétersbourg au départ de Paris en 3h20 de vol, pour environ 500 euros l’AR en classe économique. Vols également depuis Nice. L’arrivée se fait à l’aéroport Pulkovo à 23 kilomètres du centre-ville. Compter au moins 30 minutes de trajet en taxi, souvent une heure, et un tarif rarement inférieur à 100 euros. En métro express, c’est 20 minutes et moins d’un euro. La ville est à 2 800 kilomètres du nord de la France, le trajet en voiture ne présente aucune difficulté, via l’Allemagne, la Pologne et la Biélorussie. Quant au train depuis la France, il passe par… Moscou. Ajouter au minimum 3h30 de voyage et environ 80 euros (une heure en avion et moins de 50 euros). Savoir aussi que le visa est obligatoire pour un voyage en Russie (demande sur visa.kdmid.ru, 35 euros le prix de base) et qu’il faut justifier d’un hébergement sur place. Un voucher hôtelier fait l’affaire. Le décalage horaire entre la Russie et la France est d’une heure en été, de deux heures en hiver. Enfin, l’euro s’échange contre environ 70 roubles (été 2019).

Verdict : avantage Moscou

rivière de moscou

Moscou - Maks_ershov/stock.adobe.com

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Premier coup d’œil

Aucune confusion possible : on débarque dans Moscou avec le sentiment d’avoir rejoint une vraie ville. Circulation automobile dantesque, limousines à vitres teintées, vacarme des sirènes, trottoirs bondés, course folle des passants, téléphone mobile collé à l’oreille, rangées de boutiques branchées, architecture de tous les styles, du gratte-ciel futuriste aux délires soviétiques en passant par les bulbes polychromes de la tradition ou les façades sans âme qui abritaient jadis les logements collectifs censés garantir le bonheur des camarades… Le tout compose une ambiance surchauffée et offre un coup d’œil invariablement réjouissant. C’est clair, Moscou joue dans la cour des grandes métropoles internationales.

A côté, Saint-Pétersbourg, ex-Petrograd (1914-1924) puis Leningrad (1924-1991), affiche un calme presque provincial. Certains osent même parler de léthargie. Certes, la Neva, le fleuve au bord duquel Pierre décida de l’édifier, lui offre un vrai romantisme côté quais et ponts. Mais ses avenues larges comme des autoroutes semblent souvent vides, trottoirs compris. Les façades de l’époque impériale garantissent pourtant un spectacle grandiose même si la plupart sont sérieusement décatie, invitant à imaginer les fastes d’antan. Ajoutons une forme de mélancolie russe qui marque les visages et Saint-Pétersbourg frappe par sa tristesse ambiante, ses pas lourds, ses lenteurs. Comme si cette ville pensée et bâtie pour être la lumière du Monde, était désormais trop grande pour ses habitants.

Verdict : avantage Moscou

Gratte-ciel Moscou

Moscou - Curioso Photography/stock.adobe.com

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Dans de beaux draps

Les deux villes proposent tous les hébergements possibles, du palace à la chambre chez l’habitant, de l’hôtel familial à la formule bed & breakfast en passant par les chaînes internationales. La fréquentation touristique a fait naître de nombreux établissements de très grande classe, souvent installés dans des palais ou bâtiments anciens. Des merveilles, hélas chères, aux normes internationales. Très logiquement, les hôtels modernes qui visent la clientèle affaires sont plus nombreux à Moscou.

Verdict : égalité

 

chambre d'hotel

Fabian Weiss/LAIF-REA

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Et on mange quoi ?

La gastronomie russe n’est pas un modèle de délicatesse. Sept décennies de régime communiste sont passées par là, plaçant l’alimentation au rang de nécessité, soumettant les magasins à l’échange de bons contre rations. Depuis 1989, l’affaire s’arrange un peu, surtout dans les restaurants chics, tarifs indécents compris, ainsi que dans les enseignes internationales de repas vite expédiés. Disons que la gourmandise de base n’est toujours pas d’actualité. On reste donc sur les soupes déclinées à l’infini, le chou farci et le bœuf Stroganov en rêvant de caviar désormais rare, sauf à dépenser une fortune. En revanche, la vodka reste très bon marché. A Moscou comme à Saint-Pétersbourg, il faudra donc se plier à la logique des finances qui veut que les bonnes tables soient (très) chères et que les adresses ordinaires ne laissent pas grand souvenir. Il est significatif de constater que le Guide Michelin ne s’est pas encore intéressé à la Russie.

Verdict : égalité

Caviar russe

Chloé Ruffin

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Par ici la visite

Avec chacune bagage historique d’exception, les deux villes multiplient les invitations à découvrir des merveilles. A commencer par leur centre-ville. A Moscou la Place Rouge (plus de 5 hectares totalement réservés aux piétons) où se trouve le mausolée de Lénine, bordée par le Kremlin. A Saint-Pétersbourg, la perspective Nevsky, du moins son début (elle file ensuite, rectiligne, sur 4,5 kilomètres), du côté de la place du Palais et son arche monumentales surmontée d’une statue d’Athéna menant son attelage. Tout autour se trouvent le palais où résidait la famille impériale, l’église du Saint-Sauveur-sur-le-Sang-versé, ainsi que le célébrissime musée de l’Ermitage (des milliers de chefs-d’œuvre, de l’Egypte à Picasso). Ce dernier justifie à lui seul le voyage. Une fois ces essentiels assurés, il reste à pousser les portes de mille autres musées, autant d’églises, de palais et d’appartements où vécurent les ténors du génie russe (Pouchkine, Tolstoï, Dostoïevski, Nabokov, etc.). Il faudra encore applaudir les ballets du Kirov devenu Marlinski (Saint-Pétersbourg) ou bien ceux du Bolchoï (Moscou), à moins de préférer le célébrissime cirque. A Moscou, conclure avec une découverte des cimetières (Novodevichi, le plus spectaculaire) et du métro, l’un des plus beaux du monde avec ses marbres et ses bas-reliefs à la gloire du travail et du drapeau rouge. A Saint-Pétersbourg, jouer les amoureux de la belle saison en flânant le long des quais de la Neva en regardant passer les bateaux. Voilà qui mérite un baiser.

Verdict : égalité

musée de l’Ermitage

musée de l’Ermitage (Saint-Pétersbourg) - formiktopus / Fotolia.com

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Rayon shopping

La mondialisation est à l’œuvre, à Moscou comme à Saint-Pétersbourg. Résultat, toutes les grandes enseignes internationales tiennent vitrine dans l’une et l’autre ville, de Zara à Apple en passant par Chanel et Starbucks. Reste l’artisanat local et les (faux) souvenirs de la Russie soviétique. Au rayon des premiers, considérer les inévitables matriochka, ces poupées qu’on empilent les unes sur les autres représentant au choix les mamies rondes (les traditionnelles), les chefs d’Etat, les stars de cinéma, etc. La chapka est aussi un classique, bonnet de fourrure avec protège-oreilles, tout comme les œufs inspirés par Fabergé. Quelques nappes brodées et couvertures soyeuses complètent la liste des souvenirs. Oublier caviar et saumon qui supportent mal le voyage retour. La bouteille de vodka tiendra le choc. Plus chic, les icônes religieuses imposent leur délicatesse, certaines sont de véritables œuvres d’art. Leur prix dépend évidemment de l’artisan et de l’ancienneté. Pour ce qui concerne les breloques d’ancien régime, l’abondance règne, du pin’s réservé aux membres du Comité Central au t-shirt frappé du visage de Lénine, la casquette armée rouge ou les montres militaires. Sourire annoncé. 

Verdict : égalité

Poupées russes

Gulliver Theis/LAIF-REA

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L’addition, s’il vous plaît

Pas de miracle, la Russie de l’ère libérale a rejoint les pays occidentaux en matière d’étiquettes. Pire : le  "circuit touristique" classique, hôtels étoilés, restaurants répertoriés par les guides, taxis…, a tendance à forcer l’addition. Alors, ne pas hésiter à le transgresser en poussant la porte des cafés et tables rencontrés sur le chemin, se déplacer à pied, en bus ou en métro, faire confiance à son inspiration autant qu’aux précieuses recommandations des ouvrages savants.

Verdict : égalité

Métro de Moscou

Métro de Moscou - Alexander Anufriev

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Mobilité urbaine

A moins de séjourner plusieurs semaines en Russie, inutile de louer une voiture. Conduite agressive, état des routes déplorables, panneaux en cyrillique, contrôles policiers parfois coûteux quand on ne maîtrise pas la langue… En revanche, le tarif de location est bas (une trentaine d’euros par jour), tout comme l’essence (moins d’un euro). Le vélo n’est pas recommandé à Moscou pour cause de circulation automobile dense et pas toujours attentive. En revanche, l’affaire est envisageable à Saint-Pétersbourg avec son trafic bien plus paisible. Au final, les transports en commun s’imposent. Les deux villes sont parfaitement équipées et le métro de Moscou reste une référence absolue.

Verdict : égalité

 

bateau à Saint-Pétersbourg

Saint-Pétersbourg - stasknop/stock.adobe.com

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Rayon insolite

Les souvenirs d’empire à Saint-Pétersbourg, autant que ceux de l’ère tsariste ou soviétique garantissent quelques beaux moments à rester bouche bée et œil rond. Le classique triomphe. Façades pastel ici, bulbes peints là-bas, statuaire de rue, architecture délirante, places et avenues gigantesques, églises débordantes de richesses, musées multiples, tous gardiens de mille trésors, palais grandioses devenus palaces à l’ambiance incomparable… L’émerveillement gagne à chaque pas. Pour l’insolite, retenons le GOuM à Moscou, ancien magasin populaire de l’ère communiste devenu galerie marchande hyper chic sous verrière, quel paradoxe ! Ne pas manquer non plus le cimetière Novodevitchi, étonnante galerie de sculptures qui rassemble le gotha des personnalités russes. Voir aussi le marché Izmaïlovsky, de préférence à celui de la rue Arbat, grandiose caverne d’Ali Baba pour qui cherche les souvenirs soviétiques, uniformes et bottes militaires inusables compris. A Saint-Pétersbourg, savoir que les passages obligés (Ermitage, Palais d’Hiver, Eglise-du-Sauveur-sur-le-Sang-versé, etc.) occupent plusieurs journées. Au-delà, s’installer Coffee 22 pour applaudir les tendances du jour adoptées par une clientèle dont le vêtement, les tatouages ou la coiffure n’ont rien à envier aux repaires de Brooklyn ou Berlin. Pagayer sur les canaux et bras de rivières à l’occasion d’une promenade en kayak. Original et loin de la foule. Enfin, assister au spectacle du lever des ponts mobiles qui laissent alors passer les bateaux. On ne s’en lasse pas et c’est évidemment gratuit. Retenir que chaque pont a son heure. Les hôteliers sont incollables sur le sujet.

Verdict : avantage Moscou

Goum Moscou

GOuM (Moscou) - Lernidee

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Aller de l’une à l’autre

Tous les moyens sont envisageables pour rallier Moscou à Saint-Pétersbourg, et inversement. Par la route d’abord (714 kilomètres). Il faut évidemment louer une voiture (compter une trentaine d’euros par jour). Pas de difficulté majeure et plaisir de musarder à son envie au fil d’un itinéraire plaisant si on choisit la route ordinaire, ou rapide quand on opte pour l’autoroute à péage. En avion, les vols sont fréquents, durent une grosse heure et coûtent moins de 40 euros l’aller simple. Ajouter le prix des liaisons entre chaque ville et son aéroport. Troisième possibilité : le train. Le voyage dure alors 4 heures à bord du Sapsan, le TGV local. Les convois circulent une dizaine de fois par jour dans les deux sens. Compter une quarantaine d’euros minimum, un peu plus de 100 euros en première classe pour un aller simple. Il existe également des trains de nuit, la Flèche Rouge (Red Arrow) ou le Grand Express. Le trajet dure 8 ou 9 heures et revient à de 150 euros environ par personne en cabine couchette double. Enfin, plusieurs compagnies de croisières proposent de naviguer entre les deux villes que relie la Volga. Des bateaux de tous les standings sont au programme. La navigation prend son temps puisqu’elle dure de 8 à 12 jours et exige un budget d’environ 2 000 euros par personne, tout compris. Contrairement à la route, l’itinéraire prend le large du côté des "villes saintes" (Iaroslav, Rostov, etc.) et des lacs qui jalonnent le parcours.

Train à Moscou

Gare de Moscou - Chloé Ruffin

 

Par

JEAN-PIERRE CHANIAL

 

Photographies de couverture : GULLIVER THEIS/Laif-REA & Oleg Doroshin/stock.adobe.com