Iles

Une île à lire et à rêver

Une île à lire et à rêver

Qu’elles soient miraculeuses, abandonnées, imaginaires ou bien réelles, les îles ont toujours profilé leur silhouette solitaire dans le paysage de la littérature. Ces petites terres à rêver sont généreuses lorsqu’il s’agit de nourrir l’imaginaire. Alors glisser une histoire d’île dans sa valise avant de partir pour une île… c’est un voyage dans le voyage.

 

 « Dans un archipel du Pacifique Sud ignoré des géographes, L’île des Gauchers abrite une population où les droitiers ne sont plus que l’exception… C’est l’endroit du monde où l’on trouve, entre les hommes et les femmes, les rapports les plus tendres ». L’écrivain Alexandre Jardin, comme tant d’autres, adore inviter des îles « un endroit qu’on maîtrise, qui a des bords et où l’on peut inventer mille folies » dans ses romans. Les hommes de lettres ne diffèrent pas des voyageurs qui choisissent de partir pour une île, tous laissent dériver leur imagination vers un rivage dont ils attendent surprises et émotions.  Dans la mythologie des hommes, les îles occupent une place à part. Qu’on y cherche le paradis sur terre, l’espoir d’un recommencement ou que l’on se cherche soi-même, ces terres emprisonnées par l’océan nous fascinent. Est-ce un hasard si l’Odyssée, le récit d’Homère, premier auteur dont nous soient parvenus les écrits, est une sorte de parcours initiatique d’île en île ? Et souvenez-vous de Robinson Crusoé (Daniel Defoe) avec sa cabane et son chien : combien de générations ce héros singulier a-t-il fait rêver ?  Les îles portent en elles le secret de la solitude tout autant que l’attente de la rencontre, tant de marins y font escale et tant d’aventuriers se sont aventurés sur les flots et bravé les tempêtes pour les découvrir…

« un endroit qu’on maîtrise, qui a des bords et où l’on peut inventer mille folies »

Tant d’écrivains, aussi, ont choisi de céder à la tentation du fragment pour transformer ce huis clos naturel en procédé littéraire. Certains n’y ont jamais mis les pieds mais se sont régalés à en en faire le terrain de jeu de leur inspiration, s’amusant à y mettre en scène quelques utopies. Jules Verne n’a jamais séjourné sur l’Île mystérieuse, pas plus que H.G. Wells sur l’Île du docteur Moreau, Stevenson sur l’Île au trésor ou Thomas More sur Utopia ! Quant à Maurice Leblanc promenant son héros Arsène Lupin sur L’île aux trente cercueils, il ne risquait pas de connaître l’île de Sarek où se déroule le roman, puisqu’elle n’existe pas !

Homme avec des lunettes et une moustache devant la mer

Dans son Dictionnaire des lieux imaginaires (Actes Sud), Alberto Manguel s’est amusé à recenser tous les lieux inventés par les écrivains. On y trouve naturellement beaucoup d’îles, à l’image de ces « Insulae incognitae, ou îles du soleil » : « Sur les prés fleuris de ces îles rondes, les habitants mènent une vie naturelle et idyllique (...) Ils sont d'une grande beauté et se ressemblent beaucoup. Grands et minces, ils ont des os extrêmement souples et, partant, sont d'une grande élasticité…». Îles mystérieuses, îles dangereuses, îles maudites…  Autant les îles des latitudes australes qui inspirent des histoires de naufrages, apparaissent comme des bouées de sauvetage, autant la Méditerranée est mère de récits heureux. Mais toutes les mers enflamment l’imagination.

Plage et foret à Moorea

D’autres auteurs, en revanche, n’ont pas hésité à s’installer avec armes et bagages sur un bout de terre emprisonné par l’océan, nourrissant leur œuvre de leur expérience. Partir en voyage sur une île peut donc être l’occasion de rencontrer un auteur, de retrouver dans ses écrits son propre ressenti face à ce mélange de folle énergie et de grande vulnérabilité propre à l’expérience insulaire. Vous qui êtes sur le point de boucler vos bagages, suivrez-vous Pierre Loti sur l’île de Pâques,  Jack London aux Marquises, George Sand à Majorque,  Stevenson aux Samoa , Albert Cohen à Céphalonie, Paul Morand aux Baléares, Herman Melville aux Galapagos, Hemingway aux Bahamas, Herman Melville à Hawaï, DH Lawrence en Sardaigne, Jean-Paul Kauffmann aux Kerguelen ou Laurent Gaudé à Lampedusa ? Pour la Grèce, c’est Michel Déon et Lawrence Durell qu’il faut glisser dans son sac, pour Maurice et Rodrigues, Jean-Marie Le Clézio, bien entendu. Et comment apprécier les îles anglo-normandes sans relire les poèmes de Victor Hugo ?

Quel bonheur d’accompagner un écrivain dans ses découvertes, de jouer en sa compagnie les navigateurs curieux sur ces bateaux immobiles. Lieux de contemplation, de solitude, de liberté ou d’évasion, les îles sont faites pour se retrouver et pour se perdre ; elles sont des boîtes de Pandore ; les ouvrages qui les mettent en scène nous font voyager dans l’espace et dans le temps. Chez Voyageurs du Monde on ne se lasse pas de les découvrir, ni de les lire, encore moins de les partager...