Egypte

Le Bollywood du monde arabe

Le Bollywood du monde arabe

Dans le cinéma populaire égyptien, quelle que soit la période de production - années 50, 60, 70 ou 80 -, quel que soit le genre – mélodrame, comédie, film noir ou comédie musicale - le récit fait se confronter des personnages issus, d’une part, d’un environnement urbain riche, et d’autre part, d’un milieupaysan pauvre. Il est toujours basé sur  une structure triangulaire : un jeune homme pauvre, fils de fellah de la Haute Egypte, est amoureux d’une jeune femme, fille de notable du Caire, elle-même promise à un fils de notable. A partir de cette même trame narrative, l’intrigue diffère selon le genre : dans la comédie, le fils de paysan épouse la fille de notable, dans le drame, ils souffrent de leur  amour contrarié ! 


Le récit se décline également en fonction des différentes périodes politiques.Au début des années 50, dans l’Egypte d’avant la révolution de Gamal Abdel Nasser, le paysan, très pauvre, originaire d’Assiout, étudiant au Caire, rencontre une jeune femme de la noblesse turque, celle des beys et des pachas.

 

vieille photographie en Egypte

 

Les hommes conduisent des Cadillac, les femmes sont habillées comme Jackie Kennedy, tailleurs et colliers de perle ! Et le lieu où va se dérouler l’essentiel de l’intrigue, c’est le nadi, le club, hérité de l’occupant britannique, et qui est le symbole de l’appartenance de classe.Après la révolution, avec le nationalisme arabe, la notion patriotique est très présente, l’ascension sociale possible.

Le fils de paysan va s’engager dans l’armée, combattre pour son pays. A son retour, il va être accepté dans la haute société et épouser la femme qu’il aime.Dans les années 80, le pauvre n’est plus fils de paysan mais petit employé, il vit dans les bas-fonds du Caire. Son amoureuse n’est plus la fille d’un aristocrate, mais celle d’un grand entrepreneur de Zamalek. Depuis l’assassinat de Sadate par les Frères musulmans, dansune société de plus en plus conservatrice, le thème du religieux est de plus en plus présent.

 

jolies fleurs en Egypte

 

Et alors que dans les années 50 et 60, dans une Egypte très libérale, les films mettaient en scène des embrassades dignes du cinéma hollywoodien, aujourd’hui, s’embrasser au cinéma, c’est inimaginable ! Ainsi, le cinéma populaire, malgré ses approximations et ses prises de vue hasardeuses - c’est de la série B ! -, donne des éléments de compréhension de l’évolution de la société égyptienne. Ce cinéma rencontre un immense succès, dans l’ensemble du monde arabe. De 1950 à la fin des années 80, sa place est telle qu’aucun autre pays arabe ne parvient à développer sa propre cinématographie. Je suis né à Tunis, j’ai grandi à Dubaï, au Caire, et à Casablanca : pendant toute mon enfance, toute mon adolescence, j’ai été abreuvé de cinéma égyptien !Dans les salles de cinéma, de Beyrouth à Alger, on s’interpelle à voix haute, on boit du thé, on fume cigarette sur cigarette, on commente le film, on rit, on pleure. Quand il y a une action du type « le héros frappe le méchant », toute la salle se lève et  applaudit ! Aller au cinéma, c’est une ambiance, ce n’est presque plus du cinéma… c’est vivre une expérience nouvelle !

 

 

Par

NEFAA CHELBI

 

Photographies

OLIVIER METZGER