Italie

La commedia all italiana

La commedia all italiana

Un mouvement phare du cinéma mondial, entre humour et désespoir.


Faisant suite au néo-réalisme et se fondant sur le même constat désabusé, la comédie à l’italienne propose une lecture humoristique de la réalité sociale. Les thèmes sont identiques à ceux traités précédemment par les cinéastes néo-réalistes : pauvreté et aspirations populaires, avec comme héros des personnages au chômage, confrontés au manque de logement et à la petite délinquance. Iconoclaste et politiquement incorrecte, la comédie italienne laisse la part belle à la satire et à l’ironie, mêlant la drôlerie la plus débridée au désespoir le plus noir. En empruntant les voies de la culture populaire, elle propose une approche critique de l'évolution de l'Italie, plébiscitée par un large public, bien au-delà des frontières de la péninsule. Guerre, émigration, pègre, soif de vivre sont les thèmes principaux, revisités de film en film. Les cinéastes  majeurs de la comédie italienne sont Mario Monicelli, Luigi Comencini et Dino Risi.

Ils travaillent avec des jeunes comédiens qui deviendront des stars, Marcello Mastroianni, Claudia Cardinale, ou encore Vittorio Gassman. Le pigeon, réalisé par Mario Monicelli en 1958, est considéré comme le film manifeste de la comédie à l’italienne. Le film met en scène l'épopée rocambolesque d’un groupe de voleurs minables, figures emblématiques des laissés-pour-compte du développement économique, qui organisent un hold-up très nettement au-dessus de leurs moyens. Doté d’un humour dévastateur et d’une grande lucidité politique, Monicelli ouvre la voie à un mouvement qui fera de l’Italie un des centres du cinéma mondial.

Avec les Monstres, réalisé en 1963 - qui est parmi les films les plus drôles de toute l’histoire du cinéma ! -, Dino Risi dresse en une vingtaine de sketches le tableau de tous les travers de la société italienne : politique, religion, éducation, football, tout y passe ! Le film est aussi un exercice de style pour deux des acteurs majeurs du mouvement, Vitorrio Gassman et Ugo Tognazzi, qui se livrent là à une prestation éblouissante.

Dans L’argent de la vieille (1972), Luigi Comencini nous livre une analyse subtile des rapports sociaux, avec le  portrait d’une milliardaire américaine qui assouvit sa passion du jeu en disputant des parties des cartes avec des habitants de bidonvilles. Avec Affreux, sales et méchants, Etore Scola traite lui aussi de l’univers des bidonvilles, en faisant de populations marginalisées les héros de son film. Nino Manfredi y excelle en patriarche tyrannique d’une famille originaire des Pouilles, échouée dans les faubourgs de Rome. Si la fin des années 70 voit la comédie à l’italienne s’essoufler, on peut considérer Nanni Moretti comme l’héritier contemporain des cinéastes de la comédie italienne.Il rend magistralement compte des dérives du pays sous l'ère berlusconienne. Dans Journal intime (cf.p.118) par exemple, il illustre de façon drolatique la crise de la société italienne dans le chapitre Les îles, qui le met en scène en vacances dans les îles Éoliennes.

 

 

A voir avant de partir


Toto, un comique d’exception 

 

Figure emblématique de la comédie à l’italienne, le prince Antonio de Curtis Gagliardi Ducas Comnene (1898-1967), plus connu sous le nom de Totò, est l’un des plus grands comiques italiens. Originaire de Naples, le comédien  apporte au cinéma la tradition du théâtre de rue napolitain et de la commedia dell'arte.Visage longiligne sur une large mâchoire, veste trop large sur un pantalon trop court, lacets de chaussure en guise de cravate, gesticulations et mimiques, Totò créé un personnage : Il devient, à l’instar d’un Charlie Chaplin ou d’un Jacques Tati,  le sujet des films dont il est l’interprète, tels Totò cherche un appartement, ou Totò et Caroline.

Son succès auprès du public est si important, qu'en 1952, les producteurs le choisissent pour interpréter le premier film italien en couleurs, intitulé Totò en couleurs !

Totò ne fut malheureusement employé par des cinéastes de prestige qu’à la fin de sa vie. Ainsi, en 1966, Pasolini lui offre le rôle principal de Uccellacci e uccellini. Si la personnalité d'exception de Totò joue encore un rôle de premier plan dans l'identité italienne, il est méconnu hors de son pays. Pourtant, il est, sans avoir jamais réalisé aucun film, l’un des grands auteurs de l'histoire du 7ème art.

 

 

Par

Marion Osmont