Nigéria

24 heures à Lagos : Nigéria

24 heures à Lagos : Nigéria

Dix-huit, vingt, vingt-cinq millions d’habitants ? Impossible de le savoir tant Lagos grandit chaque jour, attirant à elle toujours plus de personnes, venues de tout le pays mais aussi du Ghana ou du Bénin, de Londres ou de New-York. L’ancienne capitale du Nigéria – elle a été remplacée à ce titre par Abuja en 1991 – sera, à la fin du siècle, la plus grande ville au monde : l’agglomération comptera en 2100 près de 90 millions d’habitants (!). Lagos, cosmopolite, a des airs de grande capitale américaine. Mégalopole où règnent l’esprit d’entreprise, le show-off et le culte de l’argent – son PIB équivaut à lui seul à celui du Cameroun, du Sénégal et de la Côte d’Ivoire réunis –, la ville vibre aussi d’une scène artistique et culturelle effervescente. Nous vous livrons ici nos tips pour visiter Lagos en un jour.

 

10h

Flâner à Campos, quartier brésilien

Lagos se déploie sur un ensemble d’îles sur la lagune du golfe du Bénin, ouverte sur l’Atlantique. Au nord de Lagos Island, le quartier de Campos édifié par des maîtres d’œuvre brésiliens, esclaves affranchis rentrés au Nigéria, date du XIXe siècle. En 1880, ces esclaves libérés représentaient un dixième de la population de Lagos : ils ont grandement contribué à façonner l’identité de la ville. Le style « brésilien » de l’architecture du quartier évoque Salvador de Bahia, avec ses immeubles aux motifs floraux sculptés dans le plâtre et aux balcons de fer forgé. C’est l’un des seuls quartiers de Lagos où l’on peut circuler à pied – partout ailleurs, la voiture est reine – alors, on en profite !

Voiture en ville à Lagos

Olayinka Oshidipe / Unsplash.com

11h

Visiter le Musée national du Nigeria

On va au Musée national du Nigeria pour y voir sa vaste collection de sculptures d’Ifé – leur splendeur fait oublier les faiblesses de la muséographie. Les sculptures ont été réalisées entre le XIIe et le XVe siècle, période qui correspond à l’apogée du développement de la cité-État yoruba d’Ifé. En terre cuite ou en bronze, fabriquées selon la technique de la cire perdue, les têtes d’Ifé sont d’un réalisme saisissant. Visages symétriques, regard franc, lèvres serrées, joues bombées, ornées de coiffures élaborées : on voudrait caresser leurs courbes parfaites.

13h

Bruncher au Nok by Alara

Le chef sénégalais Pierre Thiam a fait entrer l’Afrique de l’Ouest sur la carte mondiale de la gastronomie. De Brooklyn à San Francisco, il a d’abord conquis les Américains – Bill et Melinda Gates sont des fans de la première heure. Au restaurant Nok by Alara, au sein du concept-store conçu par l’architecte David Adjaye, il revisite les classiques de la gastronomie nigériane pour offrir une assiette savoureuse, colorée et légère. On adore !

15h

Lire au Jazzhole

Au cœur du quartier d’Ikoyi, l’ancien quartier résidentiel britannique, cœur historique de la ville, la librairie Jazzhole est un repaire encombré de milliers de livres : littérature internationale, poésie, essais, littérature nigériane classique et contemporaine. « La scène littéraire explose » se réjouit Kunle Tejuosho, l’actuel propriétaire de la librairie créée par sa mère en 1975. Chimamanda Ngozi Adichie, écrivaine star des lettres nigérianes, rend un hommage appuyé à la librairie dans son best-seller traduit en vingt-cinq langues Americanah, en y situant la scène de retrouvailles entre Obinze et Ifemelu, de retour après quinze ans d’exil aux États-Unis. Alors, on va au Jazzhole pour découvrir un pôle de la vie intellectuelle lagotienne. On y achète le dernier opus de Wole Soyinka, géant littéraire et premier Nobel de littérature du continent en 1986, Chroniques du pays des gens les plus heureux du monde, paru en 2023. Kunle Tejuosho est aussi disquaire, et les fans de Fela peuvent chiner des vinyles originaux, d’Expansive shit à Open & Close.

16h

Performer au Treehouse

Lagos ne brille pas par ses plages ni par ses hôtels, mais par ses show-rooms de mode ou de design et ses galeries d’art.  Mais si l’on devait ne garder qu’un lieu culturel, ce serait le Treehouse. Wura-Natasha Ogunji, plasticienne nigériano-américaine, née en 1970 aux États-Unis, de parents nigérians, a été exposée dans les plus grandes institutions – Tate Modern, musée d’Art moderne de Paris, Biennale de Sydney. Après avoir longtemps partagé sa vie entre Austin, au Texas, et Lagos, elle s’est installée durablement en 2018 dans le quartier d’Ikoyi pour créer le Treehouse, espace dédié à la création contemporaine, avec l’ambition de diversifier le paysage artistique et culturel. Pari réussi : on y va pour une expo ou pour une performance, et on y découvre la vivacité d’une scène artistique contemporaine en ébullition. Les créateurs et les artistes s’y rencontrent dans une joyeuse émulation.

Tuk Tuk à Lagos

Sven Torfinn/PANOS-REA

18h

Découvrir Nollywood

Nollywood produit 2 000 films par an ! Le Nigeria est le deuxième producteur au monde et l’industrie cinématographique représente 2 % du PIB du pays.  Les films nigérians, qui parlent de déchirements dans les familles polygames, de jalousie, de sorcellerie, d’exil ou d’homosexualité, racontent des histoires populaires à un large public. Ils font un carton plein dans tous les pays du continent mais aussi auprès des diasporas africaines. On ne peut pas aller à Lagos sans visiter les studios de Nollywood, où l’on rencontre tous ceux qui font marcher l’usine à rêves, scénaristes, producteurs et acteurs vedettes.

21h

Danser au Shrine

Les Lagotiens aiment faire la fête, et la ville vibre d’une vie nocturne sans pareille sur le continent : dans ses bars et ses clubs, la nuit est animée jusqu’au petit matin. On file à Ikeja, pour passer la soirée au Shrine, LE temple de l’afrobeat, fondé par Fela Kuti. Le Shrine est un lieu emblématique de la contre-culture politique et musicale, mais ce n’est pas pour autant un site d’histoire ou de mémoire. Si l’on choisit un soir de concert, le Shrine s’enflamme, porté par l’énergie explosive de Femi Kuti, le fils du « Black president », saxophoniste virtuose et bête de scène, qui aujourd’hui investit le lieu créé par son père – et lui fait honneur ! On danse avec la foule jusque tard dans la nuit.

Street food la nuit à Lagos

Andrew Esiebo/PANOS-REA

 

Par

MARION OSMONT

 

Photographie de couverture : Mujib - stock.adobe.com